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ANR Newdynam (FR)
mercredi 8 janvier 2014, par
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Participants : Nohara Hiroatsu, Lanciano-Morandat Caroline, Lanciano Emilie, Dupray Arnaud, Nitta Michio, Aoki yasuyuki, Shuto wakana
Ce projet avait pour ambition de mettre à [1] l’hypothèse - souvent évoquée mais finalement peu explorée - de la « déstabilisation » de la logique des marchés internes du travail (MIT) à travers deux dispositifs méthodologiques originaux de recherche.
Il s’agissait, tout d’abord, de la comparaison internationale qui mettait en regard la France et le Japon, deux pays parmi les membres de l’OCDE où cette forme de marché du travail fut réputée très prégnante. Ce cadre de l’analyse comparative ne cherchait toutefois ni à caractériser les sociétés française et japonaise l’une par rapport à l’autre, ni à construire pour chacune d’elles un modèle national dans un contexte de mondialisation. Notre point focal se centrait sur l’approfondissement de la compréhension des processus d’évolution des institutions du travail, constitutives du marché du travail, au sein des économies différemment coordonnées selon la littérature des « Variétés du Capitalisme » (Hall, Soskice 2001).
Ensuite, le deuxième dispositif renvoyait à une tentative de mieux combiner l’aspect de modélisation économétrique - privilégié par les économistes - et l’aspect sociologique d’observation des jeux d’acteurs autour des pratiques de la gestion de la main-d’œuvre. Compte tenu de la période d’observation - des années 1990 à2008/9 - durant laquelle se sont produites, de façon assez radicale, la globalisation économique, la transformation de gouvernance de l’entreprise ou encore la tertiarisation de l’économie, les membres de l’équipe de recherche se sont interrogés sur les recompositions des catégories d’analyse classique, c’est-à-dire la forme institutionnelle des organisations et la configuration traditionnelle des acteurs. Cette introduction de la « dynamique » nous a conduits à prendre au sérieux la diversité des segments de marché du travail selon les secteurs et/ou selon les formes productives et la façon dont ils sont coordonnés entre eux dans les cadres institutionnels propres à chaque société. Afin d’appréhender une telle motricité multiple et complexe, nous nous sommes attachés à mêler différentes méthodes d’investigation (statistiques quantitatives, questionnaire, monographies qualitatives, etc. ), mais également différents niveaux et grilles d’analyse, chacune de ces études étant considérée comment autant de case studies. Cette démarche permettait d’articuler mieux les pratiques internes des entreprises avec des tendances statistiques ou des hypothèses relevant plus du méso ou macro sur la dynamique des marchés du travail.
Nos résultats mettent en évidence le rétrécissement des contours du MIT dans les deux pays, ainsi qu’une réduction plus ou moins forte du « noyau dur du salariat » jusque-là relativement stabilisé et protégé. Le brouillage de ces frontières organisationnelles est aussi à l’origine de la création d’autres types de segments de marché du travail, professionnels ou transitionnels, selon les secteurs ou pays. Mais il nous a semblé n’avoir pas assez de recul temporel pour diagnostiquer la dislocation totale des principes fondamentaux du MIT, et par conséquent soit l’émergence du marché externe (MET) où le prix seul régulerait toutes les mobilités, soit celle du marché professionnel (MPT). Au contraire, les MIT monteraient une certaine résilience institutionnelle qui s’enracine dans les socles sociétaux de chaque pays, malgré le fait que ses pratiques connaissent une disparité croissante selon les firmes. Cependant cette résilience ne s’appuie pas du tout sur le mécanisme de « reproduction à l’identique » des règles ou pratiques antérieurs, mais implique des négociations, conflits et compromis entre les acteurs, sans exclure les innovations sociales, comme nos « case studies » le montrent.
Notre projet de recherche « NewDynam » incitait à mettre l’accent sur « la gestion des âges et du genre » qui implique les interactions entre les stratégies d’entreprises, les comportements des salariés en fonction du cycle de vie et les dispositifs réglementaires (conventionnels, juridiques) ou de politiques publiques. Certains moments de la vie, tels que la période de transition école-travail ou la fondation de la famille, sont considérés comme des temps critiques pour déterminer les trajectoires professionnelles des individus, créant ainsi les effets hystérésis. C’est dans ces moments qu’au-delà des enjeux purement individuels, un certain nombre de règles ou pratiques se cristallisent, pour faire émerger des structures du marché du travail. Nous nous sommes attachés à saisir ces interactions structurées -et leur évolution dans le temps- en partant primordialement des stratégies d’entreprises, plutôt que des comportements des salariés. Cela revient alors à s’interroger sur la façon dont les entreprises, tout en subissant des contraintes dues à leur position concurrentielle sur le marché du produit ou aux contextes historiques des moments, s’approprient des ressources environnantes -non seulement la qualité de compétences en terme de ressources humaines-, mais aussi une série des dispositifs publics et des normes de comportements des groupes sociaux, etc.
I- les dynamiques sociétales à travers la problématique de la « déstabilisation de la logique des marchés internes du travail »
Sur le plan empirique, nous constatons d’abord que les deux pays ont connu depuis une
vingtaine d’années un rétrécissement des MI et un brouillage de ses frontières organisationnelles, à mesure que l’économie basée sur le « fordisme industriel » passe graduellement à l’économie des services. Il en a résulté une réduction plus ou moins sensible de la part de la population salariée stabilisée. En parallèle, le rôle de chômage générant un volant de main-d’œuvre important s’est accru en tant que régulateur du marché du travail. Cependant ceci n’a pas totalement entamé les principaux mécanismes de MI, même s’il a diversifié ses pratiques, en créant, à ses franges, d’autres types de segments de marché du travail, professionnels ou transitionnels, qui se caractérisent par une mobilité accrue. Ces processus sont apparus spécifiques chaque fois selon les secteurs, les positionnements des acteurs, les moments du cycle de vie sectoriel etc., Et surtout ils se sont révélés différents d’un pays à l’autre.
Sur le plan plus théorique, on doit soulever un nœud des contradictions potentielles. La méthodologie combinant les études à visée quantitative globale avec les « case studies » nous permet de pointer un paradoxe entre une apparente « permanence » des entités et les dynamiques locales des composants ou des acteurs.
En effet, si on considère seulement les indicateurs de masse (rendements salariaux, taux de participation au travail rémunéré des femmes, stabilité dans l’emploi etc.) au niveau macro, les principales logiques des systèmes semblent conserver leur validité antérieure, ce qui nous conduit à plaider plutôt pour une relative permanence des règles, voire une certaine résilience institutionnelle. Ce constat corrobore les résultats empiriques de certains travaux réalisés surtout au Japon mais aussi en France. A ce titre, nous sommes enclins à poser que les marchés internes ont certes subi des changements d’ordre quantitatif -et éventuellement certaine distorsion de pratiques -, mais les acteurs continuent à jouer le mêmes types de jeux -ou bien très partiellement amandés- dans une ‘matrice institutionnelle existante’, selon le terme utilisé par D. North (1991).
Par contre, les différents « case studies » ont mis en évidence des actions foisonnantes des acteurs, en vue de renégocier les règles, normes ou pratiques, ou encore parfois d’en créer les nouvelles. Cependant, les formes d’interaction et les natures d’enjeux ou tensions diffèrent énormément selon les environnements sectoriels variés (maturité, technologie, nature de marché etc.). Les acteurs n’ont pas toujours les mêmes ressources et contraintes en fonction des situations/moments où ils se trouvent. Dans les secteurs à maturité, les acteurs tenaillés entre nombre de contraintes ont peu de marge de manœuvre, alors qu’ils ont plus d’espace pour inventer du nouveau dans les secteurs en émergence. Même dans ces derniers cas, ils ne sont pas totalement libres de leurs limites cognitives sur ce qui est possible. En tout cas, la multiplicité des enjeux, tensions, procédures brouille la visibilité des cheminements à tracer dans l’avenir.
Ce paradoxe provient sans doute, outre la différence d’angles analytiques, du fait que nous traitons des institutions/règles de différente nature, c’est-à-dire les institutions formalisées ou règles largement stabilisées ou partagées d’une part et les règles -encore chaudes- qui se négocient quotidiennement dans le feu d’action d’autre part. Ces dernières se créent de façon multiple et en fonction des circonstances particulières, mais nombre d’entre elles restent au niveau local ou même disparaissent sans connaître leur diffusion au-delà d’une certaine frontière. C’est le temps qui fait le tri des règles éphémères et/ou locales par rapport aux règles qui se solidifient au niveau macro, grâce au rendement croissant par adoption (Arthur 1988).
Ce mécanisme de bouclage micro-macro peut donc expliquer le contraste entre l’infrastructure institutionnelle (un ensemble des règles/pratiques) qui demeure solide ou pérenne dans le temps et la multiplicité des créations institutionnelles locale par les acteurs face à l’incertitude. Ainsi ce constat semble rejoindre l’opinion largement partagé par nombre d’auteurs « institutionalistes » tels North, Aoki, Streeck, ou Sosckice etc., selon lesquels le changement institutionnel se produirait de façon incrémentale et dans la plupart du temps selon une certain « dépendance de sentier ».
Au total, les sociétés française et japonaise conservent leur propre forme de « motricité », en dépit des pressions de plus en plus forte de la globalisation et malgré la fragilité des cohérences « sociétales », c’est-à-dire un accroissement de l’inadéquation entre des logiques d’ordre divers (social, économique, financière, politique etc.). Autrement dit, la convergence des sociétés ne se manifeste pas. Les institutions du travail, fortement dépendantes du contexte et encastrées dans le socle sociétal, demeurent relativement inertes et ne peuvent évoluer qu’à des rythmes assez lents.
Cependant, le futur reste toujours incertain. La crise financière déclenchée en Septembre 2008, qualifiée d’ores et déjà par certains de « crise d’amplitude exceptionnelle qui peut se produire une fois par siècle », pourrait désorganiser ces ensembles d’édifices institutionnels. Nous n’avons ni possibilité, ni capacité de prendre en compte ses effets dans nos analyses qui viennent de s’achever. Notre thèse de changement institutionnel, graduel et incrémental, reste entièrement soumise à l’épreuve des faits historiques qui ne sont pas encore écrits.
II- Case-studies : fondements micro des dynamiques sociétales
Nous avons choisi six secteurs qui représentent, autant en France qu’au Japon, le cycle de vie industriel allant des secteurs ‘mature’ (sidérurgie, industrie électrique) aux secteurs en expansion (industrie des logiciels, centre d’appels téléphoniques) en passant de secteurs de « connaissance intensive » (secteur académique, biotechnologies). Nous avons produit, grâce à des investigations fines de terrain, six monographies de cas comparés -couples de branches, de groupes industriels ou de firmes dans les deux pays- afin d’appréhender les jeux d’acteurs.. Ces six secteurs ainsi analysés expriment la dynamique des évolutions de chaque secteur en France et au Japon depuis une trentaine d’années et nous donnent, même si nous n’avons pas toujours réussi à faire le bouclage micro-macro, les clés de lecture de la recomposition des emplois sur base de compromis ou d’invention des nouveaux acteurs ou de nouvelles règles.
a) Sidérurgie
En France et au Japon, comme dans la majorité des pays occidentaux, le secteur de la sidérurgie est inscrit maintenant de façon structurelle dans un mouvement large de rationalisation et de reconfiguration. Appartenant à l’industrie lourde, il mobilise des équipements onéreux, nécessite des matières premières et une main d’œuvre abondante. Ces caractéristiques ne l’avantagent pas dans la nouvelle division mondiale du travail, qui s’est profondément modifiée au profit notamment des pays émergeants comme l’Inde et la Chine. Ce sont, non seulement, les sites productifs qui se déplacent dans ces pays où la main d’œuvre est moins chère, mais également les pouvoirs économiques qui tendent à s’éloigner des pays industrialisés.Pourtant, ce secteur avait largement participé en France et au Japon au développement des économies développées après la guerre, et constitué un des terrains emblématiques sur lesquels se sont construits les régulations sociales.
Au Japon, c’est au sein du secteur sidérurgique que le « compromis social » (emploi de longue durée, rôle d’ancienneté dans les pratiques de GRH et négociation active syndicat- direction (sorte de co-gestion) etc.) a été expérimenté, négocié et mis en place, ce qui a constitué donc un des premiers modèles de GRH. Ainsi, les différentes pratiques ainsi mises en oeuvre ont été par la suite diffusées vers d’autres industries manufacturières dans les années 60 et 70. Par exemple, les diverses branches de l’industrie mécanique qui montent en puissance à cette période ont empruntées ces pratiques, tout en les réajustant à leurs besoins spécifiques.
De même, en France, les relations professionnelles de cette branche a fortement contribué à la création du système de classification Parodi, basée sur la correspondance le classement des postes/la qualification/le salaire, système qui a joué un rôle central dans la structuration du marché du travail, du moins jusqu’à la fin des années 70.
En France comme au Japon, ce secteur a été longtemps dominé par des entreprises nationales dont le capital était majoritairement détenu par les pouvoirs publics. Il est caractéristique de la mobilité des travailleurs des exploitations agricoles aux usines de l’après- guerre qui a été observé dans ces deux pays. Du fait de son besoin de main d’œuvre, il a ainsi attiré une part conséquente de ces populations, a largement participé à leur formation et a favorisé leurs ascensions sociales par le biais de la mobilité interne. Dans les deux pays, la formation d’une élite ouvrière bien formée s’est, en partie, faite dans ce secteur.
Notre comparaison entre la France et le Japon s’est particulièrement attachée à observer les processus de « restructurations industrielles permanentes » qui ont largement mis à mal la cohérence des principes d’organisation du travail et de gestion de la main d’œuvre dans ce secteur. Nos études de cas ont, dans leur perspective historique, mis en lumière les réductions massives et régulières des effectifs des usines qui ont été réalisés, non à partir des besoins en compétences mais en utilisant le seul critère de l’âge.
Au Japon, le nouveau contexte compétitif mondial et en particulier la montée en puissance des économies émergentes tels que l’Inde et la Chine, n’a pas entraîné une internationalisation des capitaux du secteur. Sous l’impulsion des pouvoirs publics, les entreprises japonaises sidérurgiques se sont organisées et regroupées nationalement. Par contre, les modalités de gestion de la main d’œuvre ont été modifiées. Alors que les principes des marchés internes coïncidaient avec les frontières de l’entreprise et s’appliquaient dès lors à l’ensemble des salariés, des modes de gestion différenciées ont été instaurées, particulièrement pour les seniors. Pour préserver le recrutement de jeunes, cette catégorie est utilisée comme variable d’ajustement de la politique RH. Justifié par un principe de solidarité intergénérationnelle, la préservation du compromis social à la japonaise s’est donc concentrée dans le cas de la sidérurgie sur les jeunes et les salariés jusqu’à50 ans. Pour les ouvriers seniors, de nouvelles modalités d’emploi ont été mis en place.
En France, le secteur sidérurgique a longtemps été organisé autour de groupes industriels publics. Le retrait progressif de l’Etat a été concomitant de l’internationalisation des entreprises. Ainsi, l’entreprise emblématique de la sidérurgie française, celle que nous avons étudié, appartient désormais à une multinationale dont les capitaux ne sont pas européens. Les pratiques de gestion du travail et de production locales ont été remises radicalement en cause au profit de modes plus conformes aux normes anglo-saxonnes. Cette nouvelle appartenance s’est traduite par la montée en puissance d’une rationalité financière et par le rôle déterminant d’outils standardisés de mesure et de gestion qui visent à comparer et à mettre en compétition les différents sites industriels du groupe. Pour autant, ces changements dans la structure du capital n’ont pas entamé la cohérence des pratiques de réduction des effectifs sur la longue période. Les fortes et continuelles réductions des effectifs sont menées, de façon constante, en favorisant le départ en retraite anticipé des salariés les plus âgés. Dès lors, en réduisant l’espace de son marché interne, l’entreprise organise des transitions massives des salariés âgés vers le marché externe, et plus particulièrement vers l’inactivité.
Le cas de la sidérurgie révèle donc une déstabilisation commune des pratiques de gestion de la main d’œuvre dans ces deux pays, mais surtout une perte de cohérence de ces modèles sectoriels. L’espace des marchés internes est largement reconfiguré : au Japon, des espaces proches des marchés externes sont insérés dans les entreprises pour les catégories les plus âgés ; en France, l’entreprise réduit l’espace du marché interne en le transférant vers le marché externe. Plus fondamentalement, alors que la sidérurgie dans ces deux pays était organisée par une sorte de concertation entre les différents acteurs du rapport salarial (Etat, direction, syndicats, etc..) dans une logique industrielle cohérente, il semble que cette cohérence n’existe plus. Ce qui entraîne, indépendamment du contexte concurrentiel, une certaine précarité des pratiques et peut-être de l’activité à moyen terme.
B) Industrie électrique
L’analyse comparative, pour le secteur électrique, a consisté en des analyses qualitatives dans des entreprises leaders dans les deux pays, à partir de la question cruciale de la gestion des âges et des modalités de transfert des savoir-faire.
Le secteur de l’industrie électrique se trouve dans une problématique proche que la sidérurgie. Ce secteur est ancien dans la mesure où il a participé, comme la sidérurgie, au développement industriel de ces deux économies. De même, les groupes, qui ont été étudiés, ont longtemps été présenté comme des « champions » nationaux et constitué une référence pour l’émergence des modèles de gestion de l’emploi en France et au Japon.
Comme la sidérurgie, le secteur est inscrit aujourd’hui dans un large mouvement d’internationalisation, avec une nouvelle division du travail. Toutefois, de façon beaucoup plus marquante que dans le cas de la sidérurgie, le champ des activités des groupes de l’industrie électrique s’est considérablement et progressivement élargi : le secteur regroupe aujourd’hui des activités très larges et diversifiées, et les entreprises associent de plus en plus des offres de services aux produits qu’elles livrent.
Ces évolutions conduisent dès lors à une certaine internationalisation des modes la gestion de l’emploi et ses normes, qui déstabilisent les anciens. La baisse de la demande de produits et les délocalisations des sites productifs impliquent des réductions des nouvelles embauches, surtout dans les ateliers de production en France et au Japon, et des stratégies de réduction générale des emplois. En parallèle, la part des salariés âgés prend une part de plus en plus importante, ce qui déstabilise les équipes de travail, l’équilibre de la masse salariale et pose le problème crucial du transfert de compétences des salariés âgés les plus expérimentés vers les jeunes. Dans les deux cas, les dispositifs du transfert des savoir-faire étaient intégrés aux principes de gestion de la main d’œuvre et de l’activité des marchés internes. Les salariés étaient recrutés jeunes sur la base d’une formation générale ; l’entreprise se chargeait de les rendre spécifique à son contexte technique et productif par le biais de formation-maison. L’accumulation des savoir-faire se réalisait ensuite au fil des carrières par le biais des promotions internes. Les savoir-faire étaient principalement conçus comme des savoir d’expérience, directement adossés aux activités de travail. Leur transfert se réalisait donc au cours des activités de travail par des échanges informels, et selon les principes de gestion de mobilité dans l’entreprise. Les dispositifs de transfert des compétences étaient donc conçus de façon collective au niveau de l’entreprise et en cohérence avec le système national de formation. Ils reposaient en outre sur le renouvellement continu de la main d’œuvre, l’anticipation des départs des salariés experts et leur remplacement par des jeunes.
Le départ massif et répété des salariés les plus âgés et la réduction des embauches ont conduit, à partir des années 2000, à réviser largement, souvent dans l’urgence, les principes de ces dispositifs. Les nouvelles procédures de transfert de compétences s’inscrivent dans ce contexte dans une logique proche dans les deux pays. Il s’agit de dissocier de façon systématique l’activité de transfert de l’activité de travail, et d’organiser au niveau individuel le transfert. L’objectif est de parvenir à une codification des savoir-faire des salariés, au moyen de dispositifs techniques et managériaux relativement sophistiqués. Concrètement, les salariés sont tenus dans des temps spécifiquement dédiés de formaliser leurs savoir-faire. Ils peuvent en contrepartie percevoir des compensations salariales. Ces activités de transfert de connaissances se développent et s’intensifient avec l’âge.
En France, ces dispositifs sont conçus de façon systématique tout au long de la vie professionnelle du travail, et sont intensifiés à la fin de la carrière du travailleur. Leur efficacité repose donc sur la capacité de l’entreprise à anticiper de façon convenable les départs des salariés experts et identifier les compétences cruciales. De façon différente, le cas japonais montre, comme dans le cas de la sidérurgie, comment la problématique du transfert est traitée également par le prolongement de la relation d’emploi, avec la création de nouvelles formes d’emplois précaires spécifiquement dédiées aux activités de transmission des transferts.
Au total, comme dans le cas de la sidérurgie, les grands groupes étudiés s’attachent à préserver les principes de base de MI basés sur le « compromis social » de passé. Mais la difficulté réside dans les hiatus entre les besoins de réaménagement des dispositifs d’incitation envers les travailleurs âgés (en pré-retraite ou au contraire rallongement de la vie professionnelle etc.) et la nécessité de codifier les savoir-faire et formaliser la procédure de leur transmission.
C) Le secteur des logiciels -SSII- est un secteur assez nouveau qui est apparu dans les années 60, 70 et qui s’est développé durant les années 1980 dans les deux pays. A l’origine , ce secteur était dépendant des fabricants d’ordinateurs. Il a pris progressivement son indépendance, au fur et à mesure que le système informatique connaît l’interopérabilité des machines et la décentralisation de son usage. Ce cas illustre très bien comment le marché du travail des « informaticiens » a évolué en France vers un développement du marché du travail
‘professionnel’ et vers la duplication des MI conformément aux des marchés du travail manufacturier au Japon.
L’Etat français n’a jamais réussi, malgré son‘Colbertisme’ industriel(exemple du plan- calcul), à faire émerger un constructeur d’ordinateurs qui soit un champion national capable de soutenir la compétition au niveau international. Le marché intérieur fut dominé par IBM et HP, si l’on excepte les achats du secteur public souvent concentrés sur Bull, unique constructeur national. Contrairement au domaine du "hardware", les entreprises de logiciels ont été créées de façon précoce et se sont affrontés rapidement à la compétitivité internationale. Elles ont assumé, dès le départ, autant le rôle de conseiller en informatique ou en organisation que celui de technicien d’application et ont donc occupé une position stratégique dans la mise en place du système informatique. Ce positionnement stratégique sur la scène informatique est d’ailleurs inséparable de son contexte historique : au moment du lancement du "Plan-Calcul", tous les constructeurs informatiques étaient américains, hormis CII naissant. Or à cette époque, il était impensable de confier la réalisation des grands travaux d’ingénierie informatique de la Défense, de l’Espace ou des Finances aux multinationales américaines. Il fallait donc un intermédiaire
national entre l’administration française et les constructeurs américains : les premières entreprises de logiciels ont été souvent créées sur ce créneau par les ingénieurs sortis des grandes écoles : nombre d’entre eux ont, à leurs débuts au moins, travaillé avec un même client public qui leur apportait l’essentiel de leur chiffre d’affaires et contribuait à élever la qualité de leur expertise technique. Dans les années 80, l’extension considérable des champs d’application dans le domaine et la complexité croissance des besoins des utilisateurs ont généré une demande de solutions informatiques et d’outils logiciels. De nouveaux opérateurs de logiciels sont apparus. D’une part, les grandes entreprises ont "filialisé" rapidement leurs divisions informatiques les grandes banques se sont ainsi séparées de leurs services informatiques pour donner naissance à des entreprises de logiciels de grande taille ; les grandes entreprises électroniques (Thomson, France Télécom, CEA, etc.) ont créé des réseaux de filiales de services informatiques. D’autre part, une pépinière de nouvelles petites entreprises indépendantes est née avec la diffusion rapide de la micro-informatique. Malgré le taux élevé de mortalité, ces PMI de services informatiques ont montré leur dynamisme et leurs capacités d’adaptation. Traitées parfois de "sociétés d’intérim" car elles prêtaient les personnels informatiques au jour le jour, une bonne partie d’entre elles se sont par la suite orientées vers plus de professionnalisme, en forfaitisant leurs prestations Face à la montée en puissance de cette activité, le système d’enseignement supérieur et plus particulièrement les écoles d’ingénieurs, ont rapidement adapté leurs cursus de formation à l’informatique. Cette réactivité des écoles d’ingénieur -appareils de formation des élites techniques- a permis de proposer aux entreprises naissantes, une main-d’œuvre bien formée et dotée d’une autonomie professionnelle. Malgré ces efforts, on observe, selon les périodes, une succession de pénuries relatives d’informaticiens de haut niveau et de crises des emplois dans l’informatique, qui , d’une part, favorise une forte mobilité sur le marché du travail, et d’autre part entraîne une certaine standardisation des pratiques d’emploi et des salaires. Ces différents mouvements ont permis la structuration du « marché professionnel du travail » du logiciel.
Au Japon, les positionnements de divers acteurs étaient très différents, dès le départ, par rapport à la France. Les constructeurs d’ordinateurs nationaux (Fujitsu, Hitachi, NEC etc.), grâce à l’appui de l’Etat, ont réussi à contrer les offensives d’IBM au moins sur le marché intérieur. Cinq constructeurs nationaux partagent ainsi le marché du secteur public et para- public (Télécoms, Transport, Nucléaire etc.) et les commandes des grandes entreprises telles que les banques, la sidérurgie etc. Ils s’attachaient alors de façon privilégiée à la vente des ordinateurs informatiques (système propriétaire) et considéraient les logiciels des services secondaires n’ayant pas de valeur marchande en soi. Leurs ingénieurs spécialisés dans la partie
« hardware » d’ordinateur avaient alors la mainmise sur la conception de l’architecture de l’ordinateur, c’est-à-dire sur la partie la plus « noble » de l’activité. Les constructeurs maîtrisaient uniquement cette architecture d’ensemble et l’intégration du système et sous- traitaient « en cascade » les travaux de conception àleurs filiales, et les applications des programmes à des entreprises sous-traitantes. Les travaux de logiciels ont été ainsi extrêmement segmentés selon les différentes phases de l’activité et émiettés par la spécialisation. Contrairement à la France, les entreprises de logiciels indépendantes -sauf quelques exceptions- ont été écartées des gros marchés, cantonnées à la sous-traitance par les constructeurs et soumises àun procès de travail le moins valorisant. Le développement des micro-ordinateurs depuis la fin des années 80 a néanmoins facilité une certaine autonomisation des entreprises de logiciels, mais échapper de la hiérarchie de la sous-traitance en cascade ne fut pas très aisé : un nombre très limité d’entreprises de logiciels ont pu accéder à des positions stratégiques comme leurs homologues français.
Du côté de l’offre du travail, les universités japonaises, administrées rigidement par l’Etat, ont tardé à s’adopter à l’informatique et à créer la faculté de l’ingénierie informatique. Les étudiants japonais des filières scientifiques universitaires (Bac+4 ou bac+6) ont seulement une base de connaissance académique, et manquent totalement de la formation à contenu professionnel, contrairement à leurs homologues français qui doivent réaliser leurs stages en entreprise de durée plus ou moins longue. Des « écoles privées professionalisées » (Bac+1, Bac+2) existent cependant. Elles forment les jeunes aux techniques de programmation, hors du système universitaire. De ce fait, les ingénieurs japonais sont « construits », après leur embauche dans les entreprises, à partir de leurs propres expériences sur le tas (« on-the-job- training ») et grâce à leurs mobilités entre différents postes. Ainsi, les ingénieurs-système et ingénieurs-intégrateur sont principalement formés au sein des entreprises-constructeurs à travers un long apprentissage, les concepteurs et analystes le sont dans les filiales spécialisés à services informatiques et de très nombreux programmeurs chez les sous-traitants (« software houses »). Tout se passe comme si la hiérarchie de la production correspondait à celle de qualification et à celle de segments de marché du travail. Le Japon n’a jamais pu constituer le marché professionnel des informaticiens, même s’ils sont plus fluides que les autres types d’ingénieurs mécaniciens, chimistes etc.
L’avènement des « informaticiens » et de « industrie des logiciels », séparé des secteurs manufacturiers, symbolise en quelque sorte le passage de l’économie tangible à l’économie intangible. Ce passage suppose des modifications des modèles d’organisation - du modèle hiérarchique au modèle horizontal - et des règles/pratiques de GRH - du modèle de stabilité à un modèle de fluidité. Face aux contraintes et opportunités qui restent spécifiques, chaque pays a inventé ses propres modèles qui mélangent la continuité des jeux de certains acteurs et l’innovation créée par les nouveaux acteurs.
D) Les centres d’appels
Ils constituent un secteur - plus précisément une activité - qui a à peine une quinzaine d’année d’existence. Le développement des centres d’appels, démarré au début des années
1990, s’est accéléré àun rythme rapide au cours des années 2000 en France et au Japon, comme dans le reste du monde. Le nombre de salariés est estimé à plus de 1 à3 % de la population active dans les pays de l’OCDE -plus que celui de l’industrie automobile-, même si, dans le même temps, ces pays ont développé « l’off-shore », en transférant certaines des opérations téléphoniques les moins complexes aux pays à faibles coûts salariaux. Ce nouveau type d’activité représente désormais un poids considérable dans l’économie de services vers laquelle les pays s’orientent.
Souvent qualifié d’ « usine tertiaire », le centre d’appels est considéré comme un modèle taylorien appliqué au service. Cette activité se caractérise par une forte prescription des opérations : le ACDS (Automatic Call Distribution System) cadence le rythme que les opérateurs doivent tenir, en automatisant la distribution des appels. La conversation téléphonique est standardisée par la présence de « scripts », modèle de la relation que l’opérateur doit avoir avec le client. Ainsi, le procès de travail relèverait du principe taylorien et laisserait peu d’autonomie aux salariés. Le secteur est aussi marqué par le trait proche de l’industrie de la main-d’œuvre, car les coûts du travail occupent 70 à75% des coûts totaux d’exploitation. Un tel modèle d’organisation, standardisé comme une chaîne de montage et qui immobilise peu de capital, peut être dupliqué aisément sur différents sites.
La question de l’influence des contextes sociétaux se pose alors : cette activité crée-t- elle le même type de règles et mobilise-t-elle de la même manière les ressources humaines en France et au Japon ? L’analyse comparative réalisée démontre le contraire, sauf un point de convergence, l’usage massif du salariat féminin (70 à80%).
Ce secteur se compose en fait de catégories d’établissements hétérogènes : les centres d’appels internes, filiales des grosses entreprises du type NTT ou France Télécoms et les centres d’appels « prestataires » indépendants. La structure sectorielle diffère entre les deux pays : les centres d’appels « internalisés » -donc adossé sur les grosses structures- dominent en France, alors que les « prestataires » indépendants sont majoritaires au Japon. Ces deux configurations
résultent principalement des décisions stratégiques des premiers utilisateurs des centres d’appels, c’est-à-dire les entreprises de télécoms et celles du secteur Banque/Assurance. Ces deux branches ont largement internalisé-y compris filialisé- cette activité en France, tandis qu’au Japon elles ont procédé à son externalisation, en la considérant comme hors de leur cœur de métier. Les salariés ont ainsi des types d’emplois différents : l’emploi à plein temps avec le statut CDI est de règle en France, à l’exception des entreprises prestataires qui font plus fréquemment appel à l’intérim ou àCDD ; au Japon, les statuts d’emploi sont très variés, ils vont de l’emploi CDI à plein temps ou l’emploi CDD à mi-temps, en passant par l’intérim ou la délégation de la main-d’œuvre.
Les centres d’appels dans les deux pays sont soumis à deux types de pressions concurrentielles similaires : une compétition par le prix due à leur caractère de ‘centre du coût’ ; une pression logistique sur les ajustements permanents des effectifs par rapport aux flux des appels non-programmables. Pour répondre à ces pressions, ils ont recours à des stratégies de HRM distinctes.
Les directions des centres d’appels japonais ont des politiques de ‘segmentation des relations d’emploi’ ; Ils gèrent les salariés selon leurs statuts sociaux (femmes mariées, jeunes étudiants, hommes mariés), statuts supposés recouvrir une disponibilité temporelle différente et organisent le travail en fonction de ces caractéristiques. Cette logique de segmentation s’articule avec le calcul des coûts salariaux, dans la mesure où ils ont les niveaux différents d’expectation à l’égard du salaire. Ces entreprises tentent donc à combiner cette variété des statuts d’emploi ayant chacun la disponibilité temporelle spécifique et l’exigence salariale propre, pour construire leur modèle de flexibilité productive. Ce modèle est largement utilisé dans la grande distribution japonaise.
En revanche, les centres d’appels français, soumis à une législation du travail plus stricte qu’au Japon, se caractérisent par l’uniformisation des statuts d’emploi, l’homogénéisation des conditions de travail (la semaine de 35 heures) et le nivellement des écarts de salaires (existence du salaire minimum national assez élevé). La flexibilité de la main-d’œuvre s’acquiert alors à travers la dualité entre les centres d’appels internes et prestataires, ces derniers étant dotés de la fluidité liée à plus grande rotation de la main-d’œuvre. Les directions de ces entreprises créent ou s’adressent à des es établissements offshore en Afrique du Nord, pour desserrer la tension sur les plages horaires atypiques et pour minimiser les coûts de la main-d’œuvre. Ces tensions d’amplitude horaire et de coût semblent s’exporter du centre vers la périphérie - y compris à l’étranger - en France, alors qu’au Japon elles sont absorbées localement grâce à des arrangements sociaux internes.
Cette comparaison montre que les employeurs ne sont pas totalement libres de leurs choix en matière de GRH et de stratégies, même dans le cas de la création d’une activité nouvelle. Les directions d’entreprises utilisent, dans les deux pays, les mêmes technologies (ACD système) et les même types de procédures opératoires ou de logistique, mais sont conduites à adopter à la fois des modalités d’organisation et des pratiques d’emploi conformes aux contraintes institutionnelles et surtout aux ressources humaines disponibles sur chaque marché du travail national. En quelque sorte, on peut observer dans ce cas la marque d’une continuité institutionnelle dans les nouvelles pratiques. Cela étant, la jeunesse de cette activité fait que le niveau d’institutionnalisation reste encore relativement faible, en particulier en ce qui concerne les cadres réglementant le métier des téléopérateurs.
F) Le secteur académique est constitué de l’enseignement supérieur et de la recherche publique. Bien qu’il soit très ancien, sa dynamique récente le rapprocherait plus de celle des biotechnologies, au vu des bouleversements qu’il a subis ces dernières années, et surtout de sa nouvelle position dans une société qui voit son avenir dans la production de nouvelles connaissances. Il s’est d’abord adapté à la massification de l’enseignement supérieur qui ont vu les effectifs et les personnels augmenter de façon exponentielle. Il s’est diversifié, d’une part, pour faire face aux évolutions rapides des savoirs et des savoir-faire et les diffuser dans la société, et d’autre part pour insérer au mieux ses étudiants sur les marchés du travail. Ces nouveaux enjeux l’ont obligé à se réformer profondément : ainsi dans les deux pays, émergent la mise en concurrence entre établissements, une certaine « marchandisation » des connaissances, etc. qui ont abouti, entre autres, à la « défonctionnarisation » des enseignants- chercheurs au Japon et à l’autonomie des universités et à leur gestion plus « entrepreneuriale » qu’auparavant en France.
Notre attention s’est portée sur la « production et l’insertion des docteurs » sur le marché du travail, dans la mesure où le sort de la catégorie des jeunes diplômés est central dans la volonté politique de faire émerger une économie de la connaissance compétitive au niveau mondial. Le doctorat est le diplôme le plus élevé que les universités délivrent et il est commun à l’ensemble des pays ; dans un passé récent, les universités ne produisaient des docteurs que pour renouveler ses propres effectifs et ces derniers n’avaient comme avenir professionnel que l’enseignement et la recherche publiques. Dans le nouveau contexte de compétition internationale et de reconnaissance du rôle des savoirs et des savoir-faire dans l’économie et dans le développement industriel, les docteurs sont devenus une catégorie de scientifiques, jeunes producteurs de connaissances, essentielle dans chaque pays. Les pouvoirs publics se sont donc attachés ces dernières années à adapter les formations doctorales aux nouveaux besoins de la société et à élargir leur insertion professionnelle. Mais les stratégies des gouvernements français et japonais ont été, en la matière, différentes :
Au Japon, le choix a été d’augmenter la compétitivité de la recherche académique nippone au niveau international et en particulier celle de ses jeunes enseignants-chercheurs en espérant bénéficier des retombées économiques de ces avancées. La sélection et la formation des docteurs sont ainsi en train de s’adapter aux critères internationaux de l’excellence universitaires, mais elles restent sous la houlette exclusive du professeur d’université, directeur de thèse.
Au contraire, la stratégie en France a été de « calibrer » les diplômes de doctorat pour les rendre « comparables » les uns par rapport aux autres, et ainsi leurs donner une visibilité vis-à-vis des entreprises. Elle avait pour but d’améliorer l’insertion de ces jeunes scientifiques dans l’industrie en vue de faire diffuser les nouvelles connaissances dans les tissus locaux et activer ainsi l’innovation nationale. Elle remet en cause l’hégémonie du professeur et introduit des enseignants et des chercheurs venant d’autres espaces que l’académique, d’autres types de savoirs et de savoir-faire, d’autres pratiques de formation etc. qui modifient l’institution elle- même et les jeux de pouvoirs dans l’université.
Ce renforcement de la formation doctorale -à la fois en volume et en qualité- a néanmoins créé en France et au Japon, une précarisation des carrières de ces jeunes diplômés, en particulier dans l’espace académique. Leurs taux de chômage et de rallongement des durées d’insertion dans l’emploi stable ont ainsi augmenté, et un marché du travail « secondaire » où les jeunes docteurs passent d’un poste à l’autre sans être titularisés s’est développé. Mais au- delà de cette généralité, nous avons constaté qu’un marché du travail professionnel des docteurs est en train de se créer en France, ce qui aboutirait à la production des chercheurs et d’innovateurs capables de transcender les frontières entre recherche académique et industrielle et se positionner dans ce champs intermédiaire entre Science et Industrie au niveau international.. En revanche, au Japon les jeunes docteurs continuent à se faire trier, selon les réseaux personnels de leurs directeurs de thèse, soit vers le marché du travail industriel, soit vers le marché du travail académique. Le clivage japonais académie/industrie reste donc prégnant.
[1] l’épreuve